Conakry, la capitale à dos d’âne

Article : Conakry, la capitale à dos d’âne
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24 janvier 2015

Conakry, la capitale à dos d’âne

Circuler sur le macadam dans les rues de Conakry ressemble de plus en plus à un parcours du combattant. Comme un épiphénomène qui se développe à la vitesse grand V, l’installation anarchique des « dos d’âne » ou ironiquement « gendarme couché », ironiquement pour certains, sur les routes se répand dans tous les quartiers de la capitale. Le plus étonnant est que tout cela se fait sans l’aval des autorités compétentes.

Interrogez les initiateurs et ils vous répondront ceci : « Les gens roulent trop vite dans nos quartier, alors qu’ici, c’est sur la route que nous faisons tout et c’est ici aussi l’air de jeu de nos enfants, c’est leur terrain de foot ! »

Exemple de dos d'âne qui foisonnent à Conakry en Guinée
Exemple de dos d’âne qui foisonnent à Conakry en Guinée

Hé oui, vous n’hallucinez pas, tout se passe comme si les priorités avaient été refaites. Les gens d’abord et les véhicules après. Kenien, un quartier situé dans la commune de Dixxin, elle-même, dans la ville de Conakry pourrait, si « un concours des routes à dos d’âne » était lancé, prétendre à la médaille, pardon au « dos d’âne d’or »

Tenez vous bien, toujours dans ce même quartier de Kenien, à force, il existe aujourd’hui un passage portant le nom de « Rue dos d’âne ». Pourtant, un axe très fréquenté qui relie deux grande commune de la capitale.

Souhaitant gagner du temps, beaucoup d’usagers de la route l’empruntent régulièrement mais s’aperçoivent que plutôt que d’en gagner, ils en perdaient en réalité. Dans un petite « Renault Clio » voiture française basse, j’emprunte ce tronçon un lundi matin. En file indienne, les voitures donnent l’impression d’être en compétition. Qui vaincra ces satanés dos d’âne, haut comme une montagne et s’étalant sur toute la largeur de la route. A intervalle d’un mètre, de taille différente, ces dos d’âne sont des ralentisseurs qui s’imposent à tout le monde. Ma petite « Clio » se frotte à leur rudesse. Rythmant la cadence, ils vous imposent la vitesse du moment. Ce sera la première, 20 à l’heure. Vous descendez d’un dos que vous voilà sur un autre, plus épais, plus teigneux et un peu plus haut que le précédent. Les uns après les autres, ils vous transportent à leur bon vouloir. Embrayage, frein pour les mécaniques ou première, freins pour les automatiques, chaque instant à dos d’âne est un vrai calvaire, un supplice, aussi bien pour le conducteur que pour la voiture. La 4X4 ruisselante, sortie d’usine est elle-même obligée d’essuyer cet affront. Les dix premiers dos d’âne sont distants d’environ de deux mètres chacun quand vous partez du marché de Kenien pour rejoindre la transversale T1, une des principales route importante de la capitale. Et au fur et à mesure, l’intervalle les séparant les uns des autres passe à cinq mètres ou plus. Du coup, pour celui qui y passe pour la première fois, c’est la totale surprise. On croit en avoir finis en accélérant enfin alors que non et tout d’un coup il faut encore ralentir.

25 dos d’âne plus tard, le parcours de cette rue spéciale a fini d’escamoter mon pot d’échappement. Censée me faire gagner du temps, cette route, au final, me fera plutôt perdre du temps chez le mécanicien et de l’argent pour les réparations.

Un taxi de Conakry sur un dos d'âne anarchique sur une route de la ville.
Un taxi de Conakry sur un dos d’âne anarchique sur une route de la ville.

Généralisation et types de dos d’âne :

Le phénomène, car çà en est un, gagne de plus en plus de terrain. Dans toutes les communes, tous les quartiers, chacun y va de son «dos d’âne » citoyen, histoire de pouvoir prendre possession de la route ou de la rue, dictant au passage, son tempo ou son desiderata aux automobilistes.

Le dos d’âne conventionnel, régulier dans sa courbe, il fait corps avec le goudron et est fait aussi de goudron, d’où une certaine harmonie.

Dos d’âne par ici, dos de chameau par là, les automobilistes sont confrontés tous les jours à des olympiades, du genre 400m haies, à franchir tous les deux ou trois mètres. Le plus étonnant dans cette affaire, c’est l’absence de réaction de l’Etat. Personne ne lève le petit doigt, personne n’en fait cas. Et pourtant, les routes sont vandalisées tous les jours par des gens qui se croient tout permis tout simplement. Savent-ils combien coûte un kilomètre de bitumage ? Un milliard de francs guinéen pour un kilomètre de route nationale !

Sans aucune expertise, sans autorisation préalable, ils creusent, dénaturent et endommagent les routes impunément.

Des mesures sont à prendre au vu des dégâts. Toutes nos routes sont dégradées, il semble donc urgent de prendre les devants. Mais avant, la citoyenneté doit être rappelée à tous afin de mettre fin à ces pratiques anormales.

Lamine Nabé

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